Les tempêtes

Elles sont un élément majeur de la vie ici, de par leur fréquence et leur violence. De même que sur l’astrolabe on a appris à bouquiner sur une chaise qui se balade avec le tangage, on a ici maintenant complétement pris l’habitude de marcher par 200 km/h de vent. L’humain semble pouvoir s’adapter à tout.

Le premier indice dans la journée est simplement de sentir si le lit bouge au réveil. Et non ce n’est pas dû aux excès de la veille, seulement au bâtiment 42 (dortoir) qui bouge au-dessus de 100 km/h de vent, retenu par de solides et rassurants câbles. On sait alors qu’on va se faire méchamment secouer dehors, et que la transition entre la couette encore chaude et la gifle glacée va être rude.

Le choix des bottes est alors primordial, certaines ayant des semelles qui deviennent glissantes avec le froid, un vent aussi violent de face et c’est l’assurance de marcher à reculons façon moon-walk.

Et la vie ralentit à un rythme inversement proportionnel à la vitesse du vent. Tout passage d’un bâtiment à l’autre demande un si grand effort, un telle préparation vestimentaire, l’assurance de voir geler chaque petit bout de peau qui dépasse de la cagoule, de retrouver une montagne de neige dans chaque poche laissée ouverte…  Ainsi on trouve finalement toutes les raisons du monde à repousser ce qui était prévu.

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blizzard – crédit Alexandre Flouttard

 

Nulle vidéo, ni photo ne permet réellement de se représenter la violence de ces tempêtes, ces portes qu’on arrive plus à ouvrir ou à fermer, ces moments où on se retrouve plaqués contre une rambarde sans pouvoir faire le moindre mouvement. (A part peut être celle ou Élodie s’est fait éjectée d’une passerelle, transportée aussi facilement qu’un virevoltant dans un film de Sergio Leone)

Quand il ne neige pas, mais que la neige est seulement soufflée, on se retrouve alors dans cette ambiance si étrange où il fait beau en pleine tempête, où le ciel bleu et ensoleillé contraste avec l’apocalypse dans lequel on se trouve.

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Yohann dans le blizzard

Et plus que ces effets directs, c’est ce qu’il en reste une fois le vent retombé qui est impressionnant. Des congères de plusieurs mètres, parfois formées en une seule nuit, des sculptures improbables de glace ou de neige, la disparition de certaines congères de plusieurs mètres, on ne sait jamais vraiment ce qu’on va découvrir une fois la folie apaisée.

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Congère apparue durant une nuit, Philippe for scale
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Sastrugis de glace sur la banquise
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Sculpture de glace sur une cheminée de la centrale

Après la tempête vient également le moment de comptabiliser les dégâts (heureusement rares).

Par exemple une rangée complète de caillebotis qui a décidé de prendre son envol lors d’un violent « effet de Loewe » (une rafale passant quasi instantanément de rien à 191 km/h, pour les détails c’est ici). Il faut savoir que chaque grille d’acier doit faire ses 15 kg, par chance personne ne passait par là à ce moment.

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On encore un traîneau de plus de 100 kg qui vient s’encastrer dans une passerelle, heureusement déserte. Et chaque fois la réaction est la même quand quelqu’un voit ça : « tiens mais pourquoi ils ont mis ça là le service technique, c’est complétement stupide », tout simplement parce qu’on ne pense même pas le vent capable de ça (là où apparemment on me pense par contre assez stupide pour ranger un traîneau au milieu d’une passerelle, ou des grilles d’acier au milieu de la route…)

Et il y a la neige, qui avec le vent trouvera n’importe quel interstice pour pénétrer là où elle n’est pas la bienvenue, et quand elle rentre c’est sans frapper et relativement sans gêne.

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« coucou j’ai vu de la lumière et un babyfoot alors avec mes potes on s’est permis » – la neige

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